Cathares, un patrimoine écrit : “Une exposition qui permet d’entrer dans la chair du catharisme”
Les cathares furent une véritable église chrétienne qui s’est développée aux XIIe et XIIIe siècle, sans lien avec la papauté romaine. Depuis le 24 janvier et jusqu’au 17 février 2019, deux grandes salles du musée lapidaire du château comtal, à la Cité de Carcassonne, présentent une exposition unique : quatre manuscrits de traités et rituels cathares, sous forme numérisée.
“Ni château, ni chapelle. Les cathares n’ont rien bâti, mais ils ont écrit. De leurs livres de foi, qui furent nombreux, plusieurs ont réchappé aux destructions. De beaux manuscrits médiévaux qui constituent le véritable patrimoine écrit d’une Eglise dissidente”, explique Anne Brenon, conservateur du patrimoine, commissaire scientifique de cette exposition, tenant à préciser : “Le phénomène historique du mot cathare est une convention entre historiens depuis le XIXe siècle. Ils se nommaient entre eux les chrétiens”.
Depuis le 24 janvier et jusqu’au 17 février 2019 deux grandes salles du musée lapidaire du château comtal, à la Cité de Carcassonne, présentent une exposition unique, celle de voir rassemblés l’authentique patrimoine écrit que les cathares ont légué, en général méconnu du grand public.
Quatre manuscrits originaux (de Lyon, de Dublin, de Florence et de Vienne), deux en latin et deux en occitan, ont survécu. Le plus ancien traité cathare connu est languedocien. Il date environ de 1195. Ce sont donc des documents inestimables, seules reliques d'un mouvement religieux qui fut proscrit et éliminé de l'histoire, et qui est par ailleurs amplement documenté.
Ils ouvrent un accès direct à la religiosité dissidente et lui rendent sa place dans le climat intellectuel et spirituel de son temps. “Car en Languedoc, en Italie et ailleurs, les hérétiques écrivaient par eux-mêmes. Ils traduisaient, copiaient et commentaient les Ecritures, développaient leurs thèses, consignaient leurs liturgies”, souligne Anne Brenon.
Mais ici, foin de parchemins. Les manuscrits qui sont présentés sous forme numérisée proviennent de différentes bibliothèques européennes.
L’exposition est composée de trois parties : Archives inquisitoriales, écrits cathares et film.
Projecteur 1: Archives inquisitoriales. (BM Toulouse, BM Clermont Ferrand, Paris, BnF, Bibliothèque vaticane.)
Projecteur 2 : Codex cathare de Vienne; Codex cathare de Florence.
Projecteur 3: Codex cathare de Lyon.
Projecteur 4: Codex cathare de Dublin.
Les organisateurs de “Cathares, un patrimoine écrit” n'ont pas cherché à “démontrer” le christianisme des Bons Hommes en tirant des thèses du sein de leurs écrits, mais juste à montrer l'existant. Les sources, abondantes et diversifiées se complètent et s’accrochent l’une à l’autre. Par principe ces textes parlent d'eux mêmes... “On y découvre une pensée chrétienne complètement fondée sur l'exégèse biblique, et une forme d'Eglise chrétienne bien constituée, avec son organisation, sa hiérarchie, ses rites, son consolament, ses arguments contre l'Eglise romaine persécutrice…”
Les manuscrits sont présentés dans l'ordre chronologique. Devant chaque projection, un schéma chronologique situe l'écrit cathare dans le contexte de son temps.
Cette exposition est l’aboutissement méthodique d’un an de travail. Anne Brenon et Jean-Louis Gasc ont procédé simplement, en commandant aux bibliothèques européennes concernées, les photos et les droits d'un certain nombre de pages, choisies, soit en fonction de leur position dans le manuscrit : incipit et explicit de chaque texte contenu, soit parce que portant des enluminures particulièrement esthétiques... “Ce qui a facilité ce travail, confie Anne Brenon, c'est que récemment, pour une publication encore à venir, j'ai traduit l'ensemble de ces textes cathares”.
“Cette exposition permet de rentrer dans la chair du catharisme. On ne lassait pas de lire et de traduire le codex de Dublin, enluminé d’un petit dragon”, a assuré Jean-Louis Gasc, lors de l’inauguration. Celui-ci a particulièrement mis en lumière ces images, assorties de commentaires explicatifs et de traductions. Et grâce à un système de QR code, on peut entendre la déposition de Raimond Unaud, chevalier de Lanta ou la prédication de Peire Autier, un des tout derniers Bons hommes, brûlé en 1310 à Toulouse.
L’exposition se termine par la projection d’un film sur les rituels cathares réalisé pour le musée du catharisme à Mazamet et qui met en scène, par des témoignages devant l’Inquisition et par les rituels eux-mêmes, la vie de simples croyants jusqu’à l’ordination d’une novice, Maencia de Fontbonne. Mazamet, prochaine ville que rejoindra cette belle et originale exposition.
