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Parution de mon encyclopédie cathare avec Michel Roquebert

Publié le par baladesenpyrenees

Parution de mon encyclopédie cathare avec Michel Roquebert
Parution de mon encyclopédie cathare avec Michel Roquebert

Parution d’une encyclopédie sur les Cathares

« Ce livre fait revivre une centaine de cathares »

 

Alors qu’une grande exposition “Cathares” a lieu aux couvent des Jacobins et au musée Saint-Raymond, vient de paraître un ouvrage conséquent sur le sujet Cathares encyclopédie d’une résistance occitane, par un éminent spécialiste du sujet Michel Roquebert, associé à Patrice Teisseire-Dufour.

 

Quelle est la teneur de l’ouvrage que vous cosignez avec Michel Roquebert ?

L’historien Michel Roquebert a décidé, dans les dernières années de sa vie, de s’atteler à un dictionnaire du catharisme. D’Abjuration à Torture, chaque entrée est narrée comme une histoire. Riche documentation de plus de cinquante ans d’études, il travaillait essentiellement sur les sources inquisitoriales. Il fallait voir ses cartons d’archives au pied de son bureau qu’il comptait encore traiter. Ce livre fait revivre une centaine de cathares, et explique les concepts de cette religion, son organisation, sa géographie, les sites touchés par la croisade et l’Inquisition. C’est un ouvrage clair, facile à lire, et qui par la richesse de ses 215 entrées, apporte une vision complète de tout ce qu’il faut connaître du catharisme aujourd’hui. Ce bel ouvrage est illustré par des gravures uniques de Marie-Amélie Giamarchi.

 

Mais qui était Michel Roquebert pour ceux qui ne le connaissent pas ?

Licencié en philosophie, Michel Roquebert a été longtemps journaliste à la Dépêche du Midi, responsable du service Culture. Il est devenu un spécialiste reconnu du catharisme après la publication des Citadelles du Vertige qui a révélé, en 1966, les ruines de ses châteaux oubliés. À la suite du succès de ses articles, Evelyne Jean-Baylet, la PDG de la Dépêche, lui a demandé, toutes affaires cessantes, de travailler sur l’histoire de la croisade des Albigeois au XIIIe siècle pour publier une nouvelle série dans le journal. C’est ainsi qu’est née l’Épopée cathare aux éditions Privat. Puis Michel a quitté La Dépêche pour devenir un véritable historien. Il écrira par la suite Montségur, les cendres de la Liberté ; Simon de Montfort ; Saint-Dominique…

 

Quel a été votre rôle ?

Michel avait rêvé d’une encyclopédie du catharisme de plus de 2 500 entrées. Mais l’âge aidant il a revu ses folles ambitions à 250. Malheureusement il a rendu l’âme le 15 juin 2020, à près de 92 ans. À la suite d’un colloque lui rendant hommage au château de Bouisse, dans les Corbières, en juin 2022, et en accord avec ses enfants, Jean-Tristan, Sophie et Isabelle, j’ai proposé d’achever cet ouvrage, avec Edwige Malberg, avec laquelle il avait commencé. Mais, malade et trop fatiguée, elle n’a pas voulu continuer l’aventure.

 

Avez-vous ressenti une pression pour terminer le travail de l’éminent spécialiste ?

Je connaissais Michel depuis l’an 2000. J’avais fait son portrait dans le journal l’Indépendant. Par la suite en tant que journaliste à Pyrénées Magazine, et en tant qu’ancien étudiant en histoire médiévale, j’ai beaucoup échangé avec lui, pendant vingt ans, quand il fut notre référant et contributeur à Cathare Magazine, avec Anne Brenon et Pilar Jimenez.

Par l’amitié qui me liait à celui que je considérais comme mon professeur de catharisme, qui m’avait fait l’honneur d’écrire la préface de mon recueil Derniers chants faydits, en 2019, par cette transmission qu’il a léguée à un grand nombre sur plusieurs générations, il m’a semblé évident qu’il fallait reprendre le flambeau et prolonger sa pensée.

 

Comment est-ce que le travail s’est déroulé ?

J’ai respecté le plan en six parties que Michel avait établi : la religion cathare, les écrits du catharisme, l’église cathare, parfaits et parfaites célèbres, la croisade albigeoise, l’Inquisition, et le petit plus d’un chapitre sur les historiens du catharisme.

Mettre en forme l’ouvrage constitué de lambeaux de textes, mais d’une masse de notes et d’exemples me fit plonger, comme un moine, durant l’année 2023, dans l’atmosphère des XIIe aux XIVe siècles.

 

Alors justement comment expliquez-vous la persistance de cette période et de cette séquence historique particulière pour notre région ?

Elle représente une cicatrice dans les valeurs occitanes et un bouleversement géopolitique du Languedoc et de l’Aragon, quand, en 1209, le pape lança, pour la première fois, une croisade à l’encontre d’autres chrétiens en terre chrétienne et lors de la défaite de Muret en 1213.

 

Qu’est-ce qui en faisait la spécificité ?

Le catharisme, cette dissidence chrétienne, est condamné par Rome comme hérésie par qu’il refuse l’autorité de l’Église romaine, nie la validité des sacrements dispensés par un clergé et parce que sa théologie s’appuie sur le dualisme. C’est-à-dire la création visible et matérielle a été créée par Satan, l’autre, invisible et immatérielle par Dieu. Cette religion offre une égale place aux femmes qui ont, pour la première fois, le droit de prêcher, ce qui va favoriser son succès. Prêcher justement par leur exemple de vie simple et travailleuse à l’instar de leurs prochains, mais aussi par leur grande connaissance des Saintes Écritures au sein même des foyers, non plus en latin, mais précisément dans la langue du pays, avec une bible écrite en occitan. Face à la corruption, aux privilèges, et à la puissance de l’Église romaine, cette religion proposait d’instaurer de nouveaux rapports entre l’homme et la religion, l’argent, la justice et le travail. Façonnée par la culture laïque des troubadours, la caste aristocratique occitane était volontiers tolérante, libérale et anticléricale. C’est là, dans le castrum, le village fortifié, dont les rues concentriques s’enroulaient autour de son château, que va s’épanouir cette société cathare.

 

Pourquoi « résistance occitane » ? Les cathares incarnent-ils une certaine façon de vivre différente ?

Les bons chrétiens ont montré un courage aussi révolutionnaire que celui de Jésus en son temps, s’opposant à la puissance de la foi dominante et générant une grande solidarité autour d’eux. Ils ont créé des ateliers communautaires et des maisons communes pour aider, soigner femmes et hommes en difficulté. Bons hommes et Bonnes dames, bien ancrés dans la société de leur temps, pratiquaient tous les métiers compatibles avec leur refus de toute propriété : tisserands -ce sera d’ailleurs un de leur surnoms-, mais aussi fileuses de lin, de laine, couturières, tailleurs, meuniers, charpentiers, cordonniers…  Aujourd’hui encore, les cathares représentent une certaine idée de la liberté, de la tolérance et de l’indépendance. Protégés par des chevaliers occitans rebelles et bannis, appelés les faydits, ils sont aussi éternellement liés aux sites majeurs des « citadelles du vertige ». Ces sites ne furent jamais des châteaux construits par les cathares, mais essentiellement des lieux de fréquentation.

 

Pourquoi les historiens médiévistes discutent-ils la réalité de cette « grande épopée idéologique », de ces croyants et de cette « religion » ?

Certains médiévistes remettent en cause le mot cathare, remis au goût du jour au XIXe siècle, et l’existence d’une église structurée. Le mot cathare, péjoratif, a bien été employé au XIIe siècle, pas par les cathares, mais par leurs adversaires. Il est cité dans le canon 27 du IIIe Concile œcuménique du Latran en mars 1179, puis dans une lettre du pape Innocent III aux archevêques le 21 avril 1198, par le théologien Alain de Lille en 1200 et encore dans de nombreux traités au XIIIe siècle…

D’autre part, la charte de Ninquita, dont la validité a été admise lors du colloque de Mazamet en 2009, raconte qu’en mai 1167, à Saint-Félix, cinq diocèses cathares ont été créés. 

Notre encyclopédie évoque aussi la découverte des rituels cathares, la persécution des juifs et de certains personnages comme Bernard Délicieux et Bernard Gui qui inspirèrent Umberto Eco dans Le Nom de la rose, démystifie le trésor de Montségur, la quête du Graal, le lien avec les templiers…

  

Michel Roquebert affirme « Les sentiers cathares ne se lisent pas seulement sur les cartes : ils sont inscrits, aussi, dans la géographie du cœur. » Comment traduire ces mots aujourd’hui ? Quel écho leur donner ?

Les Occitans ont un attachement à ces personnages qui ont marqué notre histoire. Nombre de cités ou de châteaux comme Montségur, Minerve, Lavaur, Béziers, Les Cassés ont été marqué par des bûchers et des massacres, alors que les cathares prêchaient tout simplement l’amour du prochain.

Cet ouvrage est donc, pour nous, cet héritage cathare, celui de la mémoire de ces bons chrétiens injustement tués et que les textes des vainqueurs ont fixée. Que cette transmission suscite de nouvelles vocations dans la recherche de cette dissidence occitane, car il ne serait pas impossible qu’un de ces jours, un chercheur érudit déniche encore un apocryphe ou un rituel dans des archives ou une bibliothèque privée, voire qu’il mette enfin la main sur le chapitre II du Traité cathare anonyme.

Parution de mon encyclopédie cathare avec Michel Roquebert
Parution de mon encyclopédie cathare avec Michel Roquebert
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