Hommage à mon pote journaliste Bertrand Guillot
Cet article est paru le 18 juillet 2023 dans les colonnes du journal Ouest France éditions Pays de la Loire. Il rend hommage à mon camarade de promo de l'École de journalisme de Paris 1994 : Bertrand Guillot. Avec lui, j'en ai partagé quelques virées dans la capitale et vu, dans sa piaule, devant sa petite télé, quelques matchs foot, particulièrement de l'équipe de France qui, à l'époque, était plutôt nulle. On se souvient du catastrophique France-Bulgarie, en 1993, qualificatif pour le mondial 1994 aux États-Unis et que les Français perdirent 3 à 2. Le lendemain Libé titrait : la France qualifiée pour le mondial 1998 (parce qu'elle l'organisait). Avec Bertrand, notre Chouan de Montaigu (la digue, la digue...), on pouvait aussi parler de groupes de rock, journalisme, de tous les autres sports... Il avait un côté grand frère, en prenant de la distance parfois avec les éléments. Puis nous avons tous accroché un job. Je suis devenu chef d'agence de la Croix du Midi à Perpignan au début de 1996, quand lui prenait ses fonctions à l'agence des Herbiers à Ouest France. Je l'avais appelé pour le féliciter car il rêvait de ça. Et puis nos routes ne se sont plus croisées.
"Notre collègue et ami Bertrand Guillot, journaliste depuis vingt-sept ans à « Ouest-France », n’écrira plus. La maladie de Charcot l’a emporté. Reste le souvenir d’un homme drôle et attachant et d’un professionnel passionné.
Avec son mélange d’humour et d’intelligence, son étourderie notoire, son beau sourire, Bertrand Guillot laisse un grand vide. À Ouest-France notamment. Journaliste passionné, dopé à l’actualité, il s’est accroché à son métier comme à la vie. Jusqu’au bout, narguant la maladie. Bertrand Guillot, 57 ans, est décédé, entouré des siens dans la maison de ses parents, dans la nuit du lundi 17 au mardi 18 juillet, à Nantes.
« Bertrand avait ce charme des gens timides, pas très sûrs d’eux, parfois un peu maladroit, confie l’un de ses confrères et ami de trente-sept ans. Il avait surtout un énorme sens de l’humour, de l’autodérision et l’art consommé de se moquer de ses copains, pour que chacun redescende de son piédestal. »
Il avait fait ses premiers pas à Ouest-France en 1996, dans le bocage vendéen, aux Herbiers et à Montaigu, où, déjà, sa gentillesse touchante et modeste attirait la sympathie.
Quatre ans plus tard, Bertrand était embauché, avant de rejoindre Nantes, puis Ancenis. Cet esprit indépendant à l’écriture agile aimait le reportage de terrain. En 2017, il est revenu à Nantes, cette ville dans laquelle il appréciait tant de travailler, près de ses trois enfants, Sacha, Elias et Prune, qui occupaient une place exceptionnelle.
Depuis sept longues années, il défiait la maladie de Charcot. Mais il a longtemps continué de travailler. Il peinait à marcher et, plus tard, à écrire sur le clavier, mais il ne voulait pas arrêter de raconter la société. Sans se plaindre, jamais.
Au fil du temps et de cette maladie qui prenait progressivement possession de son corps, il avait dû s’éloigner de la rédaction. Tout en ne voulant pas perdre une miette des grandes et petites histoires du journal. Parfois, ça le faisait grommeler, souvent rire.
Dans ce combat acharné qu’il menait avec le soutien de ses auxiliaires de vie et de ses parents, il brandissait ses armes à lui, un humour mordant, une curiosité immuable. Ces derniers mois, il ne communiquait qu’avec son regard, fixé sur un écran, formulant ainsi ses pensées. Et pestait si une faute d’orthographe se glissait dans ses messages.
Bertrand était privé de mobilité, mais pas d’esprit. Jamais résigné, il pouvait s’enflammer pour des causes qui le touchaient. En 2020, il avait passé des heures à écouter les soignantes de la clinique du parc à Nantes, en conflit avec leur direction, pour relayer le plus précisément possible leur combat. Elles l’avaient ému, lui qui tenait à sa « sacro-sainte objectivité ». Bertrand conservait un regard sur tout. Sur tous… malgré tout.
S’il défendait des valeurs, il aimait aussi la légèreté du monde. Et en particulier le FC Nantes, dont il était un supporter de longue date. À quelques jours de la finale de la coupe de France, il se souvenait et se régalait encore de ce but d’anthologie de José Touré, lors d’une autre finale, celle de 1983 face au PSG.
Il ne se séparait jamais de son écharpe jaune et verte, jusqu’à la faire accrocher dans la chambre de l’hôpital où il a résidé, à Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), pour taquiner les soignants supporters du Stade rennais. L’humour, toujours.
Bertrand n’était pas homme de principe, mais sur certains points, il avait des avis tranchés. Ainsi pour lui, la puissance des Rolling Stones, dont il était fan, s’imposait face à la médiocrité des Beatles…
« Bertrand était facile à vivre, se souciant peu du confort, mis à part de ses sempiternelles sandales Birkenstocks® », raconte un confrère. Amoureux de la vie, amoureux tout court, il nous a offert chaque jour une leçon de courage et d’élégance, qui force l’admiration."