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Mes rencontres (1) : Robert Flematti, l’homme du Balaïtous

Publié le par baladesenpyrenees

C’était un soir de septembre 2008. Nous préparions un dossier sur le Balaïtous, la montagne des pyrénéistes, premier fier 3000 en venant de l’ouest (3144 m exactement pour les puristes). Guide de haute montagne de Chamonix, compagnon de cordée de René Desmaison, Robert Flematti était le personnage incontournable, c’était la montagne de son enfance. Il m’avait invité à partager un bon repas dans sa grange sous le col du Soulor. Dehors, alors que les sonnailles des brebis et des vaches fredonnaient encore un refrain estivale, le Val d’Azun s’endormait dans les premières dorures de l’automne.

Ce texte n’était pas paru intégralement dans le Pyrénées magazine n°120. Ce blog est là pour donner toute la place aux rencontres.

Nous habitons avec nos morts. Pour Robert (ou Umberto) Flematti, celui qui lui pèse le plus, c’est bien son fils Grégory, enseveli dans une avalanche le 20 octobre 2005 au pied des Annapurnas. Discret, sensible, bon vivant, Flematti possède une endurance sportive et un moral de granit à toute épreuve. Et, surtout, le goût de l’aventure. Né en 1942 près du lac de Côme, en Italie, il rejoint avec sa famille son père qui travaille sur les grands barrages pyrénéens. En mars 1949, il devient un enfant d’Arrens, au fond du Val d’Azun (Hautes-Pyrénées).

Passionné par le sport, le Balaïtous se révèle vite sa montagne fétiche où il apprend à repérer isards et abris. À 15 ans, avec son copain Charles Poulot, il réussit une première par Las Néous, avec, à l’arrivée, fesses et doigts glacés. “Je m’étais frotté au risque et ça m’avait tellement plu que je n’attendais qu’une chose : recommencer.”

Robert part travailler sur des chantiers, puis enchaîne deux années comme moniteur de ski à La Mongie. Mais ses payes fondent comme neige au soleil. Lucien Cantet, le président du club de ski de fond local, et le maire d’Arrens, le Docteur Lebreton, l’inscrivent à un stage de l’École nationale d’alpinisme qui se déroule à Gavarnie, sous la férule d’Armand Charlet, le directeur technique. Retenu, Flematti devient aspirant guide avant de revenir au pays, sur les sentiers qui mènent au… Balaïtous. Son but : réaliser des courses en temps records sur cette montagne hérissée d’à-pics, rude et austère. “Toujours avec Charlot, nous avons enchaîné l’arête du Castérioux et l’arête du Diable, où nous fûmes sur le point de prendre la foudre, après avoir entendu les abeilles.

Devenu guide à Chamonix en 1966 car il n’arrive pas à gagner sa vie dans les Pyrénées, Flematti entre à l’EMHM (École militaire de haute montagne), en faisant partie d’une équipe de secours pour sauver deux alpinistes bloqués aux Drus. En septembre de cette année-là, avec le guide René Desmaison et un fidèle client, Lucien Carcassès, Flematti repart dans les Pyrénées enchaîner l’éperon nord de l’aiguille de Labassa et le Petit Balaïtous où Carcassès se retrouve pendu la tête en bas… à quelques mètres du sol.

Deux ans après, ils traversent les Pyrénées, ascensionnant tous les sommets principaux, de l’Ossau au Canigou. Flematti entre dans la légende avec Desmaison pour deux grandes tentatives de première. Celle au pilier du Freney, la voie la plus difficile du mont Blanc, qui a déjà coûté la vie à quatre alpinistes. En janvier 1967, ils réussissent, gelés jusqu’aux os, sans nourriture depuis deux jours. Leur retour en héros à Chamonix sera son plus grand souvenir. Un an après, ils récidivent au Linceul, face nord des Grandes Jorasses, après avoir essuyé treize jours de mauvais temps, “mais c’est sur l’expérience qu’on peut sauver sa vie par la vitesse de décision et d’action”. Par deux fois, il échappe à la mort dans les Alpes. Retraité depuis 2002, Robert Flematti revient toujours, à 66 ans, hanter toutes les voies du Balaïtous.

Patrice TEISSEIRE-DUFOUR

Mes rencontres (1) : Robert Flematti, l’homme du Balaïtous
Mes rencontres (1) : Robert Flematti, l’homme du Balaïtous
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