Disparition du sculpteur de Minerve Jean-Luc Séverac
Jean-Luc Séverac nous a quittés jeudi 27 janvier 2022, à l’âge de 85 ans.
Peintre, sculpteur, graveur, il aimait son pays, le Minervois. Il en aimait chaque pierre, chaque bois flottant. Il y voyait déjà la prochaine sculpture qui en émergerait.
Je l’ai vraiment découvert en mars 2014, quand avec mon compère photographe Paul Palau, nous avons entamé une série de reportages pour notre ouvrage “Minervois, l’enchantement simple”. Tout de suite, Jean-Luc nous a entraînés au grand abri troglodytique du Muet, dissimulé sous les amandiers en fleurs, sur un promontoire luxuriant au-dessus de la gorge du Brunan. A flanc de falaise de la Loubatière, nous sommes passés devant l’enclos de la Fouaso. Notre artiste un peu fatigué était heureux de cette échappée avec nous. Cela lui rappelait le temps où il vadrouillait sur ce territoire des bergers transhumants. Il racontait de sa voix puissante et rocailleuse : “Je suis revenu à Minerve dans les années soixante parce que les odeurs du causse me manquaient. On voyait encore paître 3500 têtes de bétail. Le moindre abri était utilisé sur les terrasses. De fil en aiguille, j’ai connu toutes les grottes bergeries, entre la Cesse et le Brian. Et entre les lièvres, les mûres, les asperges sauvages avec lesquelles on faisait l’omelette, j’étais comme un sioux ou un cathare”. On ne pouvait pas en douter. Chez lui, déjà, sa maison était une vieille demeure qui avait abrité des bonshommes et des bonnes femmes, quelques 800 ans avant. En refaisant un mur, il avait réussi à dénicher, avec son fils Guilhem, deux marques à pain, en bois, qu’utilisaient les bons chrétiens pour signaler leur pain. Jean-Luc était d’ailleurs devenu célèbre, en 1983, pour sa stèle de pierre, “Als catars, la colombe de lumière”, place de l’église de Minerve, hommage au bucher de cathares de 1210, et pour le Christ en buis dans l’église de Minerve.
Avec son épouse Marie-Thérèse, ils avaient imaginé leur maison de famille pour qu’elle devienne l’espace Sant Rustic où sont exposées leurs œuvres et où se trouvait juste à côté l’atelier, en balcon au-dessus de la Cesse. C’est là que Jean-Luc avait gravé des kyrielles de dessins, dont ceux de mon recueil “Derniers chants faydits”, dédiés à la croisade contre les cathares, paru en 2019. Un joli moment de connivence qu’il voulait prolonger par d’autres créations. Et j’étais enchanté que sa gravure de Minerve fasse la couverture de mon autre recueil de poésies Cahier d’un Illusionniste.
Aujourd’hui, Jean-Luc a rejoint son fils Guilhem, Michel Roquebert, les bergers transhumant du causse, et tant d’autres qui ont tant compté pour lui. C’est sûr qu’il est en train de pêcher à nouveau la garlesque, l’anguille ou la truite dans le Brian, du côté de pont de Daniel puis de dormir dans les abris de maquisards. Quand je pense à lui, tout s’anime comme un sarment d’étoiles. Adiu Jean-Luc !